La Mume (le blog)

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Tante Jeanne

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Elle est entrée dans notre vie en épousant mon oncle Albert, le frère très chéri de ma mère.
Je suis arrivée dans sa vie en une période délicate, le vingt deux décembre de l’an 1943, elle séjournait chez mes parents sûrement pour un portage d’information d’un maquis à l’autre, la famille étant active pour repousser les « oiseaux noirs ».
Donc ce jour là, tonton était en Bourgogne et tata en Berry, elle s’est penchée sur mon berceau dès que mon père eut coupé le cordon qui me liait encore à ma mère, pas de médecin pour cet ouvrage, la ligne de démarcation qui passait par le jardin de la maison freinait grandement les déplacements.
S’il me reste un souvenir de ces moments il est confus bien sur, c’est une impression de douceur que je retrouverai chaque fois que nous serons ensemble.
Le 2 mars 1944 tonton était fusillé avec tout les autres de son réseau, tata fut arrêtée et déportée à Ravensbrück.
Ces événements qui ravagèrent tant de familles laissèrent ma mère en un deuil perpétuel que rien n’allégea.
Tante Jeanne traversa l’horreur, revint en Berry juste à temps pour la naissance de mon frère en août 1945, il reçut le prénom de tonton, j’avais hérité de celui de ma grand’mère maternelle ; ce qui la vie durant nous écrasa l’un et l’autre, nous ne pouvions être le prolongement de ces amours de notre mère.
J’ai grandi, vieilli, et un jour j’ai voulu retrouver ma tata Jeanne, sans auréole, une femme qui vécut un « destin » ô combien douloureux depuis l’enfance passée dans un pensionnat de religieuses qui pratiquaient la charité que pour les enfants issus de « bonnes » familles, pas pour des gosses dont la maman était « célibataire » ou pire divorcée (1920 !).
Tata m’a dit que cette période était dans son souvenir aussi douloureuse que la « vie » au « camp ».
Tante Jeanne rencontra tonton je ne sais pas où, ni quand, ce que je sais c’est qu’ils s’aimaient.
Je n’ai jamais rencontré tonton, je n’ai que la correspondance, c’est ainsi que je l’ai découvert « par moi-même » sans le filtre de ma mère.
Lorsque la vie a repris « presque » comme avant, tata n’avait plus de logement, plus rien ! Ses chers cousins l’avaient promptement « évacuée » du monde des vivants et partagé ses biens !
Le courage ne lui manquant pas elle se releva, repris ses activités politiques et rencontra pour son bonheur, Louis, qui fut son deuxième époux, le seul que je connus et qui nous adopta comme ses neveux.
Les bonne âmes de ma famille, soit, ma mère et une de ses sœurs ne manquèrent pas de clabauder sur la vertu de tata, pensez, la veuve du héros n’avait pas le droit de vivre hors de son image !
Oubliant son propre parcours.
Je fus donc presque 25 ans sans contacts avec ma tata.
Grâce aux nièces de ma mère les obstacles furent franchis pour notre joie à tous. Le temps avait une fois de plus frappé fort, tata était veuve de nouveau.
Nous avons retrouvé la douceur de tata Jeanne, son sourire inaltérable.
Et puis le destin sonna chez moi, après les funérailles et avant de reprendre le travail, je l’ai sollicité ma tata, lui demandant de m’accompagner dans une sorte de tour de France qui nous conduisit de Dijon à Clermont-Ferrand, en suivant par Bordeaux, traversant la Gironde pour se poser à Angers et la reconduire chez elle en Bourgogne, quels vins délicieux entreposés dans la cave !
Ma tata reçu mon amoureux espagnol.
Ma tata me donna des fils à tricoter qu’elle stockait depuis…
Ma tata m’a transmis un peu, un tout petit peu de sa sérénité face à la VIE.

Ma tata est toujours parmi nous âgée de 93 ans, son esprit hélas est très, très loin.
Ma TATA cette femme admirable.

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Commentaires

1. Le jeudi, octobre 11 2007, 19:17 par samantdi

Dis donc, quelle vie elle a eue ! Respect... (et elle est jolie, sur la deuxième photo comme sur la première)

2. Le vendredi, octobre 12 2007, 09:23 par Olivier Autissier

Tiens, c'est curieux, mon arrière-grand-mère avait également divorcé en 1920.