DE L’EAU
Par la mume le jeudi, mai 15 2008, 18:06 - Ailleurs - Lien permanent
Dans cette propriété solognote deux rivières, un étang, un bief, une écluse, une roue à aube.
C’était…poétique en diable lorsque nous l’avons découverte sous la gelée très blanche de ce mois de novembre.
Une propriété en deux corps d’habitation plus les dépendances, plus notre logement, plus l’atelier du patron, plus les garages, plus le parc des daims, plus le chat, plus le chien.
C’est là que le destin attendait.
Négocier le salaire, la démission en Picardie, la chasse aux cartons, la sélection des objets, ceux qui iraient directement à Vierzon, ceux dont nous aurions besoin dans cette nouvelle vie.
Ce fut difficile, déchirant de s’éloigner de nos enfants, de nos amis.
Mon époux semblait content, nous nous rapprochions de cette maison dont il rêvait de cultiver jardin et potager.
Me laissant « penser » les aménagements intérieurs.
Voilà nous étions en Sologne, la chasse, la pèche, des collègues accueillants qui nous invitèrent à dîner le premier soir.
Simone nous conduisit à notre chambre sise dans la maison de "maître" nos meubles étant en transit.
C’était… hitchcockien la sensation dans cette demeure inconnue, grinçante, murmurante et l’eau bavarde dans le bief.
Nous déballâmes notre "ménage" le lendemain, fîmes le tour des lieux, listant ce qui manquait à notre installation ; un lave-vaisselle ! La nourriture pour nos chiens et nous, le gaz pour la douche et le chauffage.
Découvrir le fonctionnement du standard téléphonique avec ses sonneries interne et externe…
Nos fils nous visitèrent rapidement, soucieux de notre devenir, Dom en vacances nous aida dans cette "possession" du site.
Il m’appela à l’extérieur pour que nous parlions de son père qui maigrissait et se plaignait de maux d’estomac, il émit en larme un pronostic hélas très juste.
Nous étions là depuis un mois et je savais que cela serait… bref.
Faire semblant, sauver la face.
Le patron dit à mon époux qu’il me trouvait "triste" j’expliquais que l’éloignement l’adaptation, tout ça…
Je vis le patron en tête à tête, lui racontais ce qui arrivait, les perspectives, il me dit que j’aurais toujours du travail chez lui si je le souhaitais, que j’étais pile ce qu’il avait recherché.
Après examens, recherches, analyses le diagnostique tomba… quelques semaines, rien d’autre à faire que du "palliatif".
Mon époux "savait" avant même que le médecin nous "suggère". Il accomplit sa tâche malgré la douleur, la rage le tenait debout.
Nos enfants organisèrent avec mes parents un déjeuner pour le premier mai, histoire de faire comme si.
Le patron était venu la veille, déclarant qu’il restait dîné et dormir, le temps d’aller chez moi je le vis partir (très versatile ce monsieur !). J’étais en plan avec les provisions !
Je les préparais pour la congélation, disposant sur un plateau métallique les pièces de viande SANS huiler le support, j’étais troublée, dans une colère permanente, bâclais la sécurité.
Le fils du patron arriva avec sa belle pour dormir après une fête.
Le lendemain j’allais préparer le plateau du petit déjeuner aux aurores, le temps était radieux, mon époux dormait, je vaquais dans la cuisine, sortis du congélateur la viande de la veille pour la stocker correctement.
Armée d’un couteau d’office (très pointu) j’entrepris de "décoller" les tournedos, le premier pas de soucis, le deuxième plus récalcitrant, au troisième le couteau fila directement dans le poignet gauche.
J’attrapais un torchon, emballais la blessure, regardais enfin l’ampleur des dégâts, la secouriste qui sommeillait en moi vit que c’était grave.
Je me propulsais en criant à l’étage pour avoir du secours, le fils du patron jaillit de la chambre en trébuchant dans son jean.
Le son de ma voix était me dit il inquiétant, il prévint sa fiancée que nous allions chez le médecin de garde.
Les routes de Sologne parcourut à fond dans une Porsche, me firent oublier la douleur de la blessure !
Le toubib nous reçu, confectionna un pansement d’attente et nous expédia aux urgences de notre choix.
Orléans ou Vierzon, le jeune patron choisi Vierzon, connaissant Orléans c’était pour lui une évidence !
J’appelais mes fils, racontant l’affaire, les priant de rejoindre leur père qui ne se doutait de rien bien sur.
Nous nous croisâmes sur la route.
A l’hôpital l’urgentiste me demanda à quand remontait mon dernier repas pour l’anesthésie générale, je protestais qu’il n’était pas question que je m’éternise jusqu’au lendemain que l’intervention, il la ferait en "endormissement local".
Mon état psychique le fit m’interroger sur le pourquoi du comment de mon refus.
Il vit le chirurgien qui examina la plaie (heureusement une section parfaite) d’une artère et d’un ligament (une chance rien d’invalident).
Je fus magnifiquement traitée, soutenue dans mon désespoir qui fusait sous l’emprise de leur sérum de vérité.
Ma mère vint me chercher, je quittais l’hôpital après y avoir pris un déjeuner (escalope, petit pois).
Mon époux me découvrit le bras gauche soutenu par une écharpe.
Nous étions… lamentables.
Dans la semaine, le patron se pointa à notre porte, furieux que rien ne soit près dans la maison, j’exhibais mon pansement et vertement le remis "d’équerre" expliquant que ma mère soignait mon époux et moi-même et que les courses… vraiment… rien à battre, qu’il appelle mes collègues à la rescousse et puis c’est tout !
Il partit en présentant des excuses (rareté chez cet homme).
A la fin de cette semaine le chirurgien voulait voir la blessure, je disposais près de mon époux le téléphone avec les divers numéros utiles, je le trouvais pleurant, demandais s’il souffrait, s’il voulait un médicament, que je reste auprès de lui, que je ferai venir le médecin pour lui et moi.
Assieds toi me dit-il et explique moi "c’est où, et combien de temps".
Dire où c’était possible, combien de temps… "Est ce que j’irai marier ma filleule ?"
Je promis que nous irions.
La cascade grinçait jour et nuit, nous tenant éveillés à la sieste, et les nuits si longues malgré ces jours de printemps.
L’eau, je n’en supporte plus le bruit, le murmure, le clapotis, la vue d’une piscine me lève le cœur.
Alors les étangs de Sologne…